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dimanche 6 février 2022

Quand l'Histoire se répète...

Quand l’Histoire se répète…

« Épidémie », « vaccin » : deux mots qui rythment actuellement notre quotidien et nous ramènent plus de 200 ans en arrière, plus précisément en 1796, année au cours de laquelle le Docteur Edward Jenner développe la première vaccination contre la variole. Un procédé novateur qui effraie une population qu’il va falloir convaincre de ses bienfaits car certaines rumeurs circulent alors selon lesquelles l’inoculation de la vaccine transformerait l’homme en animal car la vaccine est la maladie des vaches !

Les épidémies de variole se sont succédé dans l’Histoire et les archives nous laissent quelques détails sur celle qui touche la Normandie et notamment Port-en-Bessin en 1870-1871.

 

                                                            La vaccination en Normandie (La Croix 2015) 

 

Entre novembre 1870 et fin avril 1871 le nombre de morts est si important que le maire, François Désiré Vardon, demande au conseil municipal d’agrandir le cimetière en clôturant un terrain vague d’une centaine de mètres carrés qui lui est contigu. On avait compté en effet 27 décès en 6 mois affectant surtout les jeunes enfants dont 11 étaient morts sur les 27 personnes décédées, dont 7 de moins d’un an.

Quand on sait que le virus de la variole se transmet par les gouttelettes provenant de la toux ou des éternuements d'une personne infectée ainsi que par la literie et les vêtements, on comprend aisément combien la promiscuité humaine favorisait la contagion,

Or en cette fin du XIXème siècle, les familles portaises s’entassaient dans des logis exigus, surtout dans le quartier du Pollet où en 1872 on compte, selon le recensement, 25 ménages dans 16 maisons serrées les unes contre les autres.

C’est à ce moment-là que la rue du Pollet est pavée. Les travaux étaient devenus indispensables vu l’insalubrité causée par les eaux stagnantes. Déjà sur un chemin de terre, l’écoulement de l’eau est difficile du fait des ornières causées par les charrettes. Mais quand, en plus, les entrailles des poissons vidés sont jetées à même le chemin, cela devient mission impossible. Les médecins de Bayeux avaient bien prévenu : la malpropreté des rues favorisait la propagation du virus autant que l’entassement des familles dans une pièce commune où tout se faisait en commun, et ce d’autant plus que sans eau à domicile, la lessive ne se faisait pas souvent : or tout linge touché par un malade devenait contagieux.

Cependant à cette époque, malgré l’épidémie, dans le village, l’animation était la même. Les enfants jouaient, les barques sortaient en mer, les filets séchaient sur le quai. La vie continuait. Ce n’était pas la première épidémie, ce ne serait pas la dernière. Et puis, lorsque ce n’était pas la maladie qui tuait, lorsque ce n’était pas les tempêtes qui engloutissaient les corps, restait la guerre. Et cette année-là, la France était en guerre contre la Prusse depuis le 19 juillet.

Peu de Portais avaient été appelés pour combattre les Prussiens, les marins ne faisant pas alors partie du contingent. Ceux de la classe 70 qui n’étaient pas en mer le 12 octobre, étaient passés rue du Nord dire au-revoir au fils du tailleur de pierre, le jeune Émile Tillet. Ils étaient tous nés la même année, s’étaient assis sur les mêmes bancs à l’école, avaient partagé les mêmes jeux, les mêmes baignades. Un bon nageur Émile, et courageux ! le 23 février 1866, il n'avait pas hésité deux secondes à se jeter dans l’eau glacée pour sauver un enfant tombé dans l’avant-port tout juste achevé.

Ce 13 octobre 1870 il devait aller rejoindre le 41ème régiment de ligne étant appelé à partir à la guerre.

Quand il est revenu en mars 1871, il a eu bien du mal à reprendre son activité de perruquier : le 17 janvier il avait reçu un coup de feu dans l’index droit à Chénebier, petit village de Haute Saône près d’Héricourt où pendant trois jours la bataille avait fait rage entre l’armée de l’Est et les Prussiens.

Les épidémies de variole n’ont pas cessé après 1870 mais, par la suite, elles ont beaucoup moins touché la population portaise.

Cependant on peut supposer qu’elles sont à l’origine de l’étrange construction éphémère sur la falaise, à la fin du XIXème siècle.

                       

Les terres sur lesquelles ce grand bâtiment est édifié appartiennent alors à l’Hospice de Bayeux comme nous l’avons vu dans un article précédent. Elles sont en pâture pour les moutons ou en labour pour quelques céréales. Si l’intérêt d’avoir construit un tel bâtiment à un tel endroit est difficile à comprendre au premier abord, si on revient aux épidémies de variole cela peut s’expliquer.

 En effet, en 1881, le Docteur Maheut de Caen préconise la construction de bâtiments pour recevoir les varioleux afin de mieux les isoler, et les terres sur le haut de la falaise semblent tout à fait propice à l’installation d’un tel édifice : un air pur, pas de proximité immédiate, et pas besoin de quelque transaction marchande puisqu’elles appartiennent à l’Hospice qui s’occupe des malades à Bayeux. A-t-il fait don de ces terrains au Bureau de Bienfaisance de Port pour y construire une telle installation afin d’isoler les malades ? Ce peut être un facteur d’explication. C’est en effet le Bureau de Bienfaisance de Port qui est propriétaire de ces terres lorsque le bâtiment est vendu en août 1897 à Paul-Nicolas Reingard.

 

Si le cours de la vie des hommes connaît des répétitions, c’est bien aussi le cas des catastrophes naturelles : il n’y a qu’à regarder la falaise, cette falaise sapée chaque jour par les vagues et fragilisée par l’infiltration des eaux de pluie et les sources souterraines.

 

C’est en plein jour que l’événement a eu lieu, le 2 février de cette année 2021, lorsqu’un fort éboulement a secoué le littoral, tout près de la tour Vauban. Daniel Marion regagnait alors la jetée, lorsqu’un bruit sourd totalement inhabituel le fit se retourner. Encore une fois il pouvait remercier sa bonne étoile : quelques minutes auparavant, il promenait son chien au pied de la falaise. Plusieurs centaines de mètres cube de terre et de roches calcaires se sont détachées de la falaise.

 

 

 Ce n’était que la répétition d’un autre éboulement, encore plus impressionnant survenu dans la nuit du 12 au 1 3 mars 1906 dont les circonstances ont été largement rapportées par les journaux.

« Dans la nuit de lundi à mardi de la semaine dernière, une partie des falaises situées à l'est de Port-en-Bessin est tombée à la mer. L'éboulement a eu lieu sur trente-cinq à quarante mètres de longueur et sur six à sept mètres de largeur. La Tour Vauban qui fut construite en 1694 pour la défense de Port-en-Bessin et qui appartient aujourd'hui au comte Foy, conseiller général du Calvados, lequel la restaura en 1899, n'est distante que de quelques mètres du lieu de l'éboulement ; elle se trouve donc fort menacée, et il est à craindre que cette construction historique ne soit, dans un temps prochain, emportée par un accident semblable. Il est fort heureux, d'ailleurs, que l'éboulement des falaises se soit produit pendant la nuit, car dans la journée les femmes de Port-en Bessin viennent travailler dans ces parages ; elles auraient pu être écrasées par les énormes blocs de pierre qui ont été projetés assez loin sur le rivage. » Le Journal de Bayeux, 20 mars 1906.

 

 Le chemin des douaniers qui, à l’origine, était loin de l’abrupt s’en trouve aujourd’hui si proche qu’il est interdit à la circulation par arrêté préfectoral depuis 2001, ce qui n’empêche pas les inconscients de l’emprunter. 

Alors, restez prudents, prenez soin et de vous et de la nature. C’est vous qui êtes l’Histoire de demain.

 Et si, avec quelques efforts, cette Histoire cessait de se répéter… 

                                                                                                                           

Any Allard

 

    

 


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