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lundi 4 juillet 2022

Le château de Sainte Gemme et la Tour de Feucherolles.

La recherche est un terrain glissant où l’on avance à tâtons, tentant de se prémunir de tout piège, mais n’y parvenant pas toujours. Alors, l'historien se doit d’être le plus consciencieux possible et savoir rester humble car il est limité par les sources à sa disposition et les techniques permettant de les interpréter. Il ne peut connaître qu’une version de la vérité, et doit se méfier de ne pas interpréter les documents en fonction de la vérité que lui, il cherche.

 

C’est pourquoi je répète que l’Histoire n’est pas finie, qu’il y a toujours à découvrir que ce soit au détour de nouveaux documents d’archives étudiés ou de découvertes fortuites comme celle provoquée par l’étude des sols au moment de l’enquête sur la faisabilité des constructions nouvelles dans la Ferme de Sainte Gemme. Ceci nous mène à revenir sur le château de Sainte Gemme pour préciser l’endroit exact où il se trouvait et les circonstances de sa disparition.

 

Cet endroit est attesté, comme nous l’avons vu dans le livre, par le cadastre napoléonien en 1819 qui montre en bleu le contour des douves. Camille Piton a repéré approximativement les dimensions de ces fossés en 1901 : ils forment un pentagone d'environ 55,44 m sur 56,22 m, et 36 m de côté.

 Le château se situait donc derrière les bâtiments actuels de la ferme de Sainte Gemme, là où il y a actuellement une maison d’habitation isolée.

Le château de Sainte Gemme faisait partie d'un ensemble de 5 ouvrages constituant la ligne de défense de la forêt de Cruye. 

 

Les autres châteaux étaient : le château d’Hennemont (site du Lycée International de St Germain en Laye), le château de Bethemont, le château de la Montjoie et le château de Retz. Les dates de construction de ces édifices diffèrent. Ainsi, selon les historiens, le château de Sainte Gemme serait le plus ancien avec la tour d’Hennemont dont la date de construction n’est pas précisée. Il daterait de la fin du Xème siècle ou du début du XIème tandis que le château de la Montjoie a été construit au XIIème siècle d’après un article de la société des Antiquaires de France de 1927, et le château de Retz vers 1215. 

 

La faible élévation présente dans cet ensemble de la Ferme de Ste Gemme et que la DRAC se propose d’étudier, prouve qu’il y a eu, tout d’abord, ce qu’on nomme « une motte féodale », c’est-à-dire une butte de terre généralement élevée grâce à la corvée effectuée par les serfs de la seigneurie. Cette motte de terre sur laquelle devait s’élever une tour en bois entourée d’une palissade, était entourée de fossés, comme tout motte féodale. Cela avant la construction d’une forteresse en pierres dont parlent donc les actes.

La forteresse de Sainte Gemme était reliée à celle de Retz par des souterrains, tout comme Retz était relié à la Montjoie. Ces souterrains étaient encore l’objet de la curiosité des archéologues amateurs au milieu de XXème siècle comme nous l’avons évoqué dans le livre sur Feucherolles-Sainte Gemme avec la mort de Jean Boda en 1964 dans l’effondrement du souterrain dont il venait de découvrir l’entrée dans les ruines de la Montjoie. J’ai eu la chance qu’Henri Euvé m’en montre l’entrée lorsque nous avons travaillé ensemble.

 

Cette ligne de défense de la forêt de Cruye protégeait Poissy, résidence royale dès le Xème siècle et point stratégique sur la route Paris-Rouen où se développe à partir du XIIIème siècle un très important marché drainant le bétail normand pour l’approvisionnement de Paris.

 

Plusieurs actes attestent la venue des Rois de France au château de Sainte Gemme pendant les périodes de trêve de la Guerre de Cent Ans (1337-1453) ou pendant les moments ou la guerre n’affecte pas notre région.

 

Philippe VI y vient souvent de mai 1330 à 1341 et jusqu'en 1344 chaque année. Jean Le Bon s’y marie en 1350 puis revient à Sainte-Gemme le 23 mai 1351 avant sa captivité qui suit le désastre de Poitiers.

Jean de Meudon, grand veneur et maître des eaux et forêts, est chargé de fortifier le château de Sainte-Gemme en 1367 « en ce moment faible et privé de ressources », et le duc de Bourgogne, allié d’Henri V d’Angleterre y fait aussi un bref séjour.

L’existence d’un château royal étant bien prouvée, reste maintenant à éclaircir les circonstances de sa disparition car il n’a pas été totalement détruit par les Anglais comme le laissaient supposer certains écrits du XIXème siècle.

Le château, ou ce qu’il en reste, est encore debout après la Guerre de Cent Ans puisque Jacques de Vitry fait hommage au Roi Louis XI (roi de 1461 à 1482) pour les châteaux de Poissy, Triel, Saint Germain et Ste Gemme. 

 

A partir de cette date, peu de forteresses médiévales font encore l’objet d’un entretien indispensable à leur maintien et la plupart tombent en ruines, leurs pierres servant à la construction d’autres bâtiments tout comme les pierres des églises des petits villages abandonnés.

 

En 1709, Jean Caboud, portant le titre d’écuyer, c’est-à-dire à cette époque faisant partie de la noblesse, est propriétaire de la ferme et du château de Sainte Gemme, terre de rapport puisque Jean Caboud habite alors à Paris rue du Croissant. En fait, il ne reste alors que quelques ruines du château, le plus gros des pierres ayant servi à construire les bâtiments de la ferme alentour.

 

Reste à éclaircir une autre énigme : en effet un détail peut surprendre en étudiant la carte topographique des environs de Versailles dite « carte des chasses royales », levée de 1764 à 1773, c’est la mention de la « Tour de Feucherolles » dont on trouve aussi la trace dans le plan par masse de culture levé en 1804. Sur la carte des chasses, elle est mentionnée exactement de la même façon que la tour de Bethemont, avec la même écriture, l’écriture étant bien codifiée et différenciée pour chaque élément du paysage, ce qui tend à prouver qu’il s’agit bien d’une tour de défense.

 

 

Alors, quelle était la destination de cette tour ? Certes, elle n’était pas placée sur le plateau, mais lorsqu’on descend la rue des Cavées, la vue est idéale pour découvrir la plaine de Versailles. Ne serait-ce pas alors envisageable que, si le château défendait le passage vers la vallée de la Seine, la tour de Feucherolles faisait le guet à l’opposé, surveillant toute venue depuis la plaine en contrebas ?

Le plateau de Sainte Gemme était donc idéalement placé pour surveiller et défendre et la forêt dominant la vallée de la Seine d’un coté et la plaine de Versailles de l’autre, vers la route venant de Normandie.

 

 

 


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