Guillaume de Feucherolles, certes, mais de quel Feucherolles ?
Lorsque j'ai étudié le manuscrit original donné par Jean-Pierre Euvé à la commune de Feucherolles en 2007, au moment où je faisais des recherches pour la brochure "Ste Gemme, Résidence des Rois de France", je me suis intéressée à Guillaume de Feucherolles, Grand aumônier du Roi de France, à qui Jean le Bon confiait alors la mission de fonder une chapelle au château royal de Ste Gemme. (cf. article sur ce blog : "Ste Gemme, son château et ses chapelles")
Une décennie plus tard, ayant découvert que la société archéologique d'Eure-et-Loir revendiquait en 1874, ce Guillaume pour l'un des siens, j'ai mené l'enquête !
Ce qui est avéré
dans les actes officiels de la monarchie :
Il
est couramment admis que Guillaume de Feucherolles a occupé les fonctions de maître
du conseil des finances ( ou maître de la chambre aux deniers) de Philippe,
alors comte de Valois, futur Philippe VI (1328-1350), d’aumônier du Roi de février
1328 à 1343 et de chanoine de la Sainte Chapelle à partir de 1331.
Mais
ce ne sont pas ses seules charges :
d’après l’étude de Xavier de la Selle, il possède des canonicats en expectative
[1]
à Auxerre (1316) et Tours (1318), est doyen de la collégiale St Mellon de
Pontoise (aujourd’hui disparue), a la
charge de chanoine du Mans en 1322 ;
en 1331, en même temps qu’à la Sainte Chapelle de Paris, il est aussi chanoine
de Saint-Quentin-en-Vermandois, de St Mellon de Pontoise et de St Etienne de
Droco ( ?) dans le diocèse de
Chartres., titulaire de cinq chapellenies dans le diocèse d’Amiens et d’une
prébende de chantre à l’église de Coutances. Il s’occupe aussi de
l’administration hospitalière et est qualifié de gouverneur de l’hôpital
Buridan de St Quentin.
Le
4 décembre 1343, malade, il fait son testament (« fait
constaté par codicilles royaux au bois de Vincennes d’après le registre des Chartes
du Trésor royal » JJ.68 , n°80).
Il
y désigne pour son héritier Renaud Saget, son neveu.
Renaud
Saget remplace Guillaume de Feucherolles en tant qu’aumônier du Roi (en
gardant le titre de sous-aumônier) durant sa période de maladie. Il
accompagne alors le roi pendant la guerre de Bretagne où il fait des
distributions d’aumônes, notamment à Ploërmel où la guerre fait des ravages.
Certains
auteurs affirment qu’il ne succède pas à son oncle dans la charge de Grand
aumônier qui revient à Pierre de St Placide contrairement à ce qu’écrit Jules
Viard s’appuyant sur les Archives nationales (JJ 78 fol. 47 n°106).
Il
est probable que Renaud lui succède pendant sa période de maladie puis qu’un
autre est nommé à sa mort qui survient vers 1344, de toute façon après février
comme nous allons le voir avec la construction de la chapelle royale à Ste
Gemme.
« Fundavit in patrimonio et vico de
Feucherolles juxta Hodantum oppidum capellam regalem in qua oratur pro anima
regnum Francorum, ad quos ejusdem omnimoda collatio pertineret, praesentatio
vero ad dominos temporales loci de Feucherolles. »
Guillaume
fonde dans son domaine patrimonial au bourg de Feucherolles, près de Houdan,
une chapelle royale où l’on prierait pour l’âme des rois de France. La
collation de cette chapelle devait appartenir au roi, et la présentation au
seigneur temporel de Feucherolles, comme le constate le diplôme original, donné
au bois de Vincennes en juillet 1350.
C’est
effectivement ce que prouve le manuscrit daté de 1344 dont Jean-Pierre Euvé a
fait don à la municipalité de Feucherolles, manuscrit que j’ai étudié dans la
brochure « Ste Gemme
résidence des rois de France ».
L’abbé
Archon en fait le frère de Florus de Feucherolles Grand Prieur de l’ordre de St
Jean de Jérusalem.
Guillaume
de Feucherolles est enterré dans la chapelle basse de la Sainte Chapelle de
Paris.
Les questions que
l’on peut se poser :
1.
Le premier problème
est de savoir de quel Feucherolles
il s’agit puisque, en novembre 1874, les membres de la société archéologique
d’Eure-et-Loir, revendique pour leur concitoyen ce Guillaume de Feucherolles, le
toponyme de Feucherolles étant donné à un hameau de la commune de Néron, près
de Maintenon, le point de départ de l’affaire étant la découverte, en 1873, du
nom inscrit sur la dalle funéraire dans la Sainte Chapelle, Guillermus de Feucheroliis.
Le
procès-verbal de la société archéologique d’Eure-et-Loir du 5 novembre 1874 pose
donc, dans les termes suivants, la question de l’appartenance de Guillaume au
pays de Chartres : « S’il
existe un Feucherolles, près Marly-le-Roi (Seine-et-Oise), nous possédons aussi
un Feucherolles en Eure-et-Loir, c’est un village faisant partie de la commune
de Néron, canton de Nogent-le-Roi. Ce Feucherolles est ancien fief, vassal et
dépendant de la justice de Nogent-le-Roi ; les
anciens titres de 1215 l’indique sous l’appellation latine de Feucheroliis…
Nous avons l’espoir de découvrir quelques chartes d’abbayes, ou quelques autres
documents provenant d’anciens établissements hospitaliers ou religieux, de
notre contrée, lesquels documents pourraient contenir des preuves que Guillaume
de Feucherolles était un enfant du Pays-Chartrain. »
Que
faut-il en penser ?
« Juxta Hodantum oppidum » : Feucherolles (Yvelines) est
à 37 km de Houdan.
Feucherolles,
hameau de Néron (Eure-et-Loir) n’est qu’à 26 km de Houdan.
Donc
pourquoi pas ?
Question
secondaire : pourquoi mentionner
Houdan, châtellenie du comté de Montfort où Amaury III de Montfort avait
fait bâtir un château fort ?
Cependant
on sait qu’il y avait un château à Ste Gemme, hameau du Feucherolles proche de
la Forêt de Marly. L’Histoire a retenu le nom de ce château appelé « château
royal de Ste Gemme » puisque c’est là que le roi de France Jean II le
Bon se marie avec Jeanne d’Auvergne le 9 février 1350.
A
cette époque-là, Ste Gemme ne faisait pas encore partie de Feucherolles.
Cependant tous les manuscrits médiévaux situent ce château de Ste Gemme à Feucherolles.
2.
La deuxième
question concerne le Rocquencourt où
Guillaume de Feucherolles possédait des biens puisque dans sa « Monographie communale de Feucherolles », p.5 , Paul
Aubert affirme : « Guillaume
de Feucherolles était possessionné à Rocquencourt (Oise) »
Il
y a effectivement un tout petit village d’à peine 200 habitants appelé
Rocquencourt dans l’Oise, à la limite de la Somme.
Mais
il ne s’agit pas de ce Rocquencourt puisque dans les « Documents
parisiens du règne de Philippe VI de Valois, tome 2 » réunis et commentés par Jules Viard, il est signalé en note p. 216 : « Avec ses biens situés à Rocquencourt (Seine-et-Oise)
il fonda une chapellenie dont le roi et ses successeurs avaient la collation. » (Arch. Nat. JJ.78 fol.47, n°106, lettres du mois de juillet
1350 amortissant les biens qui servaient à doter cette chapellenie)
Jules
Viard cite ses sources.
3.
La troisième
question que l’on peut se poser concerne Florus
de Feucherolles que l’on retrouve dans l’ « Histoire
universelle, civile et ecclésiastique du pays de Forez » de J.M. de la Mure en 1674, sous le nom de Guillaume de Fougerolles,
difficile aujourd’hui à localiser dans cette région.
Alors ? Florus de Feucherolles ou Florus de Fougerolles ?
Xavier de la Selle, diplômé de
l’École des Chartes, tranche le sujet dans son étude en 1995, « Le service des âmes à la cour : confesseurs et aumôniers des Rois
de France du XIII° au XV° siècles. »
D’après
cette étude, Guillaume de Feucherolles est
originaire de Feucherolles dans les Yvelines. Il est le frère de Florus de
Feucherolles.
Il
possède des biens situés à Rocquencourt (Yvelines) avec lesquels il fonde une chapellenie[2] dont
le roi a la collation[3] et
qui sont amortis à la demande de ses exécuteurs testamentaires en 1350.
Il
a également des possessions à Villemeux-sur-Eure qu’il donne au chapitre
cathédrale de Chartres pour son obit (service religieux pour l’âme d’un mort) célébré
le 27 septembre et celui de son neveu, Renaud Saget le 25 février.[4]
Il
fait aussi construire une chapelle royale à Feucherolles.
Est-ce
le dernier mot ?
Cette
enquête prouve encore une fois la difficulté de la recherche en Histoire et la nécessité
de se référer aux sources plutôt qu’à leur interprétation.
Any Allard
Sources:
Le service des âmes à la cour : confesseurs et aumôniers des Rois
de France du XIII° au XV° siècles, de Xavier de la Selle, École des Chartes,
1995.
La France pontificale : Histoire des archevêques et des
évêques de France, de H. Frisquet, 1864-1873
Histoire ecclésiastique de la
Chapelle des Rois de France, Abbé Louis Archon, 1704-1711, tome 2
Monographie communale de Paul Aubert.
AD 78
Documents parisiens du règne de
Philippe VI de Valois, Tome 2, Jules Viard
Ste Gemme, résidence des rois de France, Any Allard, publié par la Mairie de Feucherolles en 2007.
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