Il y a plus que ce
que l’œil peut saisir.
W.H. Auden
Le chien.
J‘ai toujours aimé les chiens. Les petits lapins
aussi que l’on effraie sur le golf de la falaise quand on y va tôt le matin.
Mais avec les chiens, c’est une autre histoire. Ils ne partent pas se cacher
quand quelqu’un arrive. Ils restent pour se faire comprendre.
Il était là ce matin, couché à l’entrée de la
ruelle en impasse qui mène aux jardins et aux cabanons, abandonné au sommeil.
Apparence trompeuse. A peine avais-je fait un pas qu’il se mit à japper
doucement, par petits appels brefs comme il l’avait fait, à la même place, la veille
au soir lorsque nous étions arrivés.
Je l’avais aussitôt reconnu.
Il y a quelques semaines, alors que nous
prenions un verre sur le port en compagnie du notaire qui s’était occupé de la
succession de mon beau-père, il était venu se coucher à mes pieds. A mon grand
étonnement et à mon grand plaisir. Mais pas question de le caresser. Dans la
minute qui suivit, le garçon de café l’avait chassé. Qu’importe : stoïque,
l’animal s’était assis un peu plus loin, sans nous perdre de vue, et nous avait
suivi à distance lorsque nous avions rejoint la maison.
Le cafetier avait prévenu :
-
« C’était
le compagnon fidèle de votre père. Animal sauvage, toujours dans la rue, mais
toujours sur ses talons lorsque le vieux sortait, et toujours avec la balle
rouge qu’il lui avait donnée. On ne l’a pas revu d’ailleurs cette balle. »
Ce matin, je n’avais pas fait de bruit en
ouvrant la porte. Je l’avais légèrement soulevée pour éviter qu’elle ne grince.
Ne réveiller personne. J’étais toujours trop matinale.
Il faisait froid. Le jour commençait tout juste
à teinter de rose le haut de la falaise au-dessus de la maison. La lumière était
douce comme tamisée par la brume qui montait du sol humide. Tant pis pour la
promenade prévue sur la jetée au soleil levant. Je suivis le chien : juste
quelques mètres, à deux pas de la maison, à la porte du jardin qui venait de
nous échoir en héritage avec la bâtisse qui s’ouvrait sur la cour commune.
Lorsque les granges et écuries qui dépendaient de la ferme des d’Argouges
vendue comme bien national sous la Révolution, avaient été transformées en
maison d’habitation, les terrains qui bordaient l’impasse avaient été lotis
afin de servir de petit jardin, bien individualisé, pour chaque habitation
donnant sur la cour commune.
Le nôtre était le premier sur la droite. La
porte n’était pas fermée à clé. Les mauvaises herbes avaient envahi l’espace et
seules quelques pieds de roses trémières, tenaces, émergeaient du capharnaüm,
offrant leurs fleurs roses et jaunes au soleil levant.
Le chien s’était précipité dès le portail ouvert
et, du nez, avait poussé la porte mal fermée du cabanon. Maintenant, bloqué par
les râteaux et pioches entremêlés, il remuait la queue en me regardant d’un air
de dire :
-
Qu’est-ce
que tu attends pour dégager le passage ?
Je pris sur moi pour ne pas faire demi-tour à la
vue des toiles d’araignée qu’il me fallait affronter. J’étais curieuse aussi de
voir où il voulait en venir, quoique j’en eus bien une petite idée.
-
Alors,
le chien ? C’est ta baballe que tu cherches ?
Sa queue n’en remua que d’avantage. Mais en
dégageant la dernière pelle, je me pris les pieds dans la couverture écossaise
qui trainait par terre. Une boite métallique, tomba en s’ouvrant lorsque je me
rattrapais à l’étagère pour éviter la chute.
Des dizaines de cartes postales s’étalèrent dans
la poussière au moment où le chien retrouvait son trésor, sa balle rouge.
C’était de très vieilles cartes couvertes
d’écritures fines à l’encre ou au crayon, toutes, pour ce que j’en vis au
premier coup d’œil, adressées à Jules Allard, le grand père de mon mari.
Je ne pouvais rien faire de plus pour l’instant.
Il me fallait de quoi nettoyer un peu
avant de ramasser tout cela.
Lettres et cartes postales.
Elles sont maintenant sur mon bureau ces
précieuses archives, classées par ordre chronologique. Elles sont adressées à
Jules Allard[1] entre 1914 et 1918 et
permettent de reconstituer son itinéraire et celui de ses amis pendant cette
période de guerre, de ressentir leurs souffrances et leurs espoirs et toute
l’amitié aussi qui liait ces jeunes hommes entre eux. L’écriture était le seul
lien possible et la lecture des lettres venant de la famille de Jules notamment
laisse une profonde émotion face à tout l’amour qui s’en dégage.
Je n’ai pas connu ce grand père. Je l’ai vu
jusqu’à présent par les yeux de son petit-fils : c’était un homme bon.
Mais il ne parlait pas de la guerre. Pourtant chaque jour lorsqu’il mettait en
place son pilon ou plus tard sa prothèse, lorsqu’il avait du mal à monter à bord
des bateaux à cause de sa jambe de bois, il ne pouvait manquer de penser aux
obus de Verdun ! Mais il y a des choses dont on ne parle pas à un enfant.
Il y a des questions qu’un adolescent ne pense pas à poser à ses
grands-parents. Et puis surtout, l’omni présence du souvenir de la seconde
guerre mondiale dans cette région de Normandie qui fut le lieu du débarquement
en juin 44 a sûrement longtemps occulté les marques de 14-18. Et ce jusqu’à
aujourd’hui où l’on commémore le centenaire du premier conflit mondial.
Cette correspondance va aider à combler le vide.
J’ai lu les cartes et les lettres et je les ai
recopiées. Si j’ai respecté toutes les tournures de phrases, j’ai corrigé
quelques fautes d’orthographe, mais si peu ! C’est d’ailleurs
extraordinaire à voir, si peu de fautes d’orthographe ! Il n’y a que la
ponctuation que j’ai parfois remplacée car tout est souvent écrit sans point ni
virgule, comme une conversation à bâton rompu, une conversation que l’on
reprend chaque jour par écrit car c’est le seul moyen de communication. Et
vraiment, pour une période de guerre, il y a 100 ans, qu’est-ce que la poste
fonctionnait bien !
1914 : Port en Bessin.
La correspondance est alors adressée rue Nationale, appelée aussi rue des
écoles. Les Allard étaient locataires de cette maison que nous occupons
aujourd’hui.
Eté 1914, Port en Bessin et Huppain vivent leurs derniers jours de paix
dans le calme et la fête. Le 5 juillet la bénédiction de la mer par l’évêque
Thomas Lemonnier est une réussite totale malgré la pluie. Les jours suivants,
chacun vaque à ses occupations quotidiennes tout en se tenant au courant par
les journaux des inquiétantes nouvelles d’Europe centrale : c’est loin
l’Europe centrale et les états ne semblent pas prêts à se battre. Cependant, le
31 juillet, l’annonce d’une mobilisation partielle sur appel individuel, rend
la possibilité d’un conflit envisageable. Les inscrits maritimes en congé de
disponibilité sont les premiers appelés. Le lendemain, plus de doute possible,
c’est la mobilisation générale : les hommes de 20 à 24 ans aptes au
service militaire déjà sous les drapeaux sont rejoints par les hommes de
la réserve (24 à 34 ans) et de l’armée territoriale (35 à 48 ans) qui reçoivent
l’ordre d’aller garder les voies ferrées. Toutes les barques de pêche et les
chaloupes sont consignées au port. Les chevaux sont réquisitionnés et emmenés à
Bayeux d’où ils partent pour les zones de combat afin de servir au transport du
matériel.
De toute façon, personne ne songe plus à travailler, tout le monde est
dehors, dans les rues, sur les quais, commentant les nouvelles, pleurant le
départ d’un conjoint ou d’un enfant. La déclaration de guerre entre la France
et l’Allemagne parvient à Port et à Huppain dans l’après-midi du mardi 4 août.
En conséquence l’état de siège est décrété. Il faut un sauf-conduit pour se
déplacer sur les routes et la circulation automobile est interdite de 6 heures
du soir à 5 heures du matin. Les entrées des deux communes sont surveillées par
des volontaires armés. Ces barrages seront supprimés à la fin du mois d’août
pour faire place à des rondes nocturnes de gardes civiles, elles-mêmes
supprimées le 30 octobre, l’avance allemande étant considérée comme stoppée après
la bataille de la Marne. Quant aux barques et aux chaloupes, elles ont alors de
nouveau le droit de sortir en mer mais en arborant le drapeau français en haut
du mât pour se faire reconnaître. Le risque est la rencontre avec les sous-marins allemands .
Dans la première quinzaine d’août, une centaine
d’hommes partent de Port et de Huppain pour le dépôt de Cherbourg où ils
reçoivent leur affectation, soit dans la marine pour assurer le transport des
troupes ou donner la chasse aux bateaux allemands, soit pour rejoindre les
lignes du front. Jules n’a alors que 19 ans et demi. C’est à 20 ans qu’un homme
est mobilisable.
C’est justement de Cherbourg que Jules reçoit la
première carte postale écrite le 14 octobre 1914.
Je
suis en ce moment à Proteau[2]
en bonne santé prêt à de nouveau sauter sur les Boches. Bon courage et bons
baisers à tous. Albert.
Certains mobilisés portais se retrouvent
casernés à Versailles en vue de défendre la capitale ou dans l’attente d’une
affectation.
Camp de Satory, 24 octobre 1914
Cher
copain,
J’espère
que tu es toujours en bonne santé et bon pour le service. Moi ça va toujours
très bien et je dois partir bientôt voir les Boches. Toute la section doit être
versée dans l’infanterie prochainement. Alors mon BLEU dépêche-toi d’arriver
pour venir me donner un coup de main. Ton copain qui te serre la cuillère et
qui continue à pas se faire de bile. Armand
Lambert.
Camp de Satory le 6 décembre 1914 :
J’ai
reçu ta carte ce midi qui m’a fait bien plaisir… Je vois que tu es comme
j’étais dans les derniers temps, tu as hâte d’être parti et de savoir de quel
côté tu vas être dirigé. Mais tu as bien le temps et surtout profite encore de
tes quelques jours de civil car tu sais qu’ici on est restreint un peu sur
tout… Au camp on nous occupe à faire des tranchées et des corvées d’un coin à l’autre…
Un conseil à te donner, quand tu partiras emporte un passe montagne et des
gants car on nous en donne pas et pour faire tes classes, je t’assure que tu
les supporteras bien. Bien le bonjour aux copains et à tes parents. Ton copain
qui te serre la main. Lambert.
D’autres Portais sont casernés à Ste Gemme où
nous habitons aujourd’hui, pour la défense de la capitale et logent dans la
grande ferme à l’entrée de la forêt. Peu occupés alors ils s’amusent à faire
flotter des petits bateaux de leur confection sur la mare du village.
Mais la classe 15[3]est
appelée pour partir. Jules Allard étant né en janvier est le plus
« vieux » (ils ont tous à peine 20 ans !). Il est désigné par
ses camarades pour faire un discours qui en dit long sur l’état d’esprit de ces
jeunes hommes et sur l’enseignement qu’ils ont dû recevoir concernant la guerre
contre la Prusse en 1870 !
« Monsieur
le maire,
Ce
matin mes camarades m’ont dit : mon vieux Julot tu es notre ancien tu
feras ce soir un discours à Monsieur le Maire, c’est la tradition. Je n’avais
pas à récriminer car avec ces amis-là, il faut toujours être prêt et la besogne
me paraissait bien douce. Je savais que Mr le Maire n’attendait pas de moi un
discours éloquent comme ceux de Gambetta. Puisque la circonstance veut que
j’évoque ce nom immortel, Monsieur le Maire et chers amis, je vous demande de
crier avec moi « Vive la France » en mémoire du grand patriote qui
rêvait la Revanche.
« Vive
la France, Vive Gambetta. »
Monsieur
le Maire,
Croyez
bien que nous sommes heureux que vous ayez bien voulu accepter notre invitation,
vous êtes ici le président de notre modeste banquet, mais aussi notre père à
tous, vous nous avez vu naître, vous nous voyez tous contents d’aller combattre
l’ennemi, peut-être mourir pour la Patrie. Mourir nous n’y songeons pas et ce
matin encore le toujours joyeux papa de l’un de nous nous disait : « Effacez-vous
devant la balle de l’ennemi, car même après la victoire, il faudra revenir au pays pour régénérer la France » ;
nous avons eu le sourire, le sourire de l’espérance.
Comment
ne pas espérer quand nous voyons en votre personne, Monsieur le Maire, l’image de
la vaillance, vous portez sur votre poitrine la médaille des braves, la
médaille des combattants de 1870-71, la médaille de l’année terrible.
Année
terrible, Gambetta, l’Alsace Lorraine, la Revanche, que ces mots sont beaux et
qu’ils nous sont chers, car hier encore sur les bancs de l’école ils
retentissaient à nos oreilles. Eh bien Monsieur le Maire, cette médaille que
vous portez fièrement, nous vous jurons que nous ferons tout notre devoir pour
la mériter ; nous y penserons toujours, elle sera notre fanion dans les
sentiers obscurs de la victoire. Demain nous partirons pour apprendre le métier
des armes, après demain nous serons à la frontière près de nos ainés car ce
matin on nous a remis un laisser-passer avec l’heureuse mention :
« Bon
pour le service. »
Nos
jeunes cœurs sont plein de vaillance et si la poudre de notre ennemi est sèche,
nos baïonnettes sont faites pour lui crever les flancs et son sang impur
arrosera de nouveau nos sillons.
Monsieur
le Maire, si l’un de nous tombait au champ d’honneur vous diriez doucement à sa
mère, qu’il est mort les muscles tendus visant l’ennemi pour défendre son
drapeau, le souvenir du courage rendra la douleur moins amère.
Nous
conservons toujours l’espoir que l’ennemi n’a pas fondu de balles pour nous et
si nous revenons quelque peu troués, nous reviendrons avec le même
laisser-passer toujours « Bon pour le service. » et le cœur rempli
d’espérance nous pensons que peut-être un jour vous nous direz Monsieur le
maire : « Je vous unis pour régénérer la France. »
Monsieur
le Maire, les jeunes soldats de la classe 1915 saluent l’emblème de votre
courage aux cris de « Vive la
France. »
Le départ est imminent comme en témoigne la
carte suivante adressée à Célestine Delain, par son frère Ferdinand. Célestine,
épouse de Jules Allard est la mère de Jules le jeune, dit Julot.
12
décembre 1914
Ma
chère sœur,
Quand
tu recevras ma carte j’espère que Julot sera parmi vous et que vous serez tous
réunis, tant qu’à moi cela va bien mais tu sais quel temps aujourd’hui, il y a
20 cm de neige et maintenant voilà la pluie. Si j’avais su j’aurai emporté mes
bottes mais elles sont trop lourdes. Je compte bien avoir les pieds gelés mais
en attendant faudra qu’il fasse encore plus froid. J’espère que ma carte te
trouvera en bonne santé ainsi que papa Jules, Juliette et Amand et petit Jean
que tu embrasseras bien pour moi. Bonjour à Julot et fais lui penser à mon
briquet on ne trouve pas d’allumettes ici. Ton frangin qui t’embrasse bien des
fois. Delain.
Ferdinand. |
Ci-dessous une photo datant de 1915 où
l’on peut voir Célestine et Jules Allard, leur fille Juliette, sœur de Jules
parti à la guerre et son fils Jean. Le mari de Juliette Amand Durand est aussi
conscrit.
A la mi-décembre Jules a sa feuille de route
pour Angers. Les cartes suivantes sont adressées à Jules Allard sapeur 3ème
génie à Ponts de Cé, Maine et Loire. Il est déjà parti lorsqu’il reçoit une
carte d’Auguste Benard, cultivateur près de Longueville en Seine Inférieure :
Mon vieux Allard,
…
je suis rentré depuis le 11 janvier réformé 3ème classe. Je pense
que tu vas bientôt partir à ton tour et que tes amours vont bien…
Peut-être qu’Auguste veut parler d’une certaine
Henriette Maillers qui a envoyé trois
cartes de suite en octobre à Jules avec son meilleur souvenir au « futur
pioupiou ».
1915 : De Ponts de Cé, près d’Angers (Maine et Loire) aux tranchées de
l’est, en Argonne.
La guerre s’enlise dans les combats de
tranchées, dans le froid et l’humidité de l’hiver. Sur le front, les soldats
côtoient la mort à chaque instant.
Jules Guesdon à Rouen et Armand Lambert toujours
à Versailles continuent à échanger chaque semaine des cartes avec Jules et se
plaignent de la nourriture et du manque d’activité. Un autre, Armand écrit de
Bavière où il est prisonnier.
Le 28 février, Jules Guesdon annonce qu’il partira combattre au front
mi-mars avec Lucien Delain, classe 15, comme lui. Mais en fait personne ne sait
vraiment vers quelle destination les régiments sont appelés à partir car le 10
mars les projets ont changé :
Cher Julot,
Cher Julot,
Je suis arrivé aux Andelys en bonne
santé… et le bruit court qu’on doit aller du côté de Constantinople contre les
Turcs. Je voudrais bien y aller, on verrait du pays…
Je te serre cordialement la main. Ton
copain, Jules Guesdon.
Jules
Guesdon n’ira pas en Turquie. Il reçoit une balle dans le cœur à l’automne.
Le 10 mars aussi, Jules écrit à ses
parents :
Chers parents,
Chers parents,
J’ai
reçu votre lettre ce soir et j’ai été très heureux d’apprendre qu’Amand[4]
allait bientôt être des vôtres. Maintenant je ne peux plus demander de
permission. C’est Dieu qui ne l’a pas voulu. C’est qu’il nous réserve autre
chose pour plus tard. Alors vous n’aurez pas à vous déranger. Dans un sens j’aime
mieux qu’Amand soit parmi vous, l’on ne peut tout avoir. J’espère que vous
serez tous contents. Nous ne savons pas encore quand nous partons au juste,
mais si vous êtes quelques temps sans nouvelles il ne faut pas vous effrayer
car il paraît qu’on n’aura pas le droit d’écrire pendant un certain temps. J’ai
reçu les deux paquets le saucisson était excellent, je n’ai pas mis la bande
car je ne sens plus rien du tout de mon genou, je la garde en cas que ça
recommencerait…J’ai écrit sur une carte car j’avais oublié d’emporter du papier
à lettre Bien le bonjour à toute la famille. Embrassez bien Papa Dinand et
maman Manda[5]
pour moi, Juliette et Jean et sans oublier Amand. Votre fils qui vous aime et
pense tous les jours à vous, Jules
Allard.
Le lendemain René
Lepleux lui écrit depuis Orléans : les invalides sont très fatalistes.
Ferdinand Delain et Amanda Colleville. |
Cher
copain,
Je
suis après sept mois de captivité chez les Boches, pays où on crève la faim,
rentré en France. Je n’ai pas besoin de te dire je suis heureux d’être
débarrassé de ces animaux-là. Comme je pense que tu le sais je n’ai plus qu’un
bras, enfin il faut se trouver heureux comme ça. Je n’ai pas encore été à Port
je suis à Orléans en attendant ma pension et un appareil. Mes parents sont
venus me voir hier et te souhaitent le bonjour ainsi que moi, ton copain, René Lepleux.
Même à la guerre, pas question d’oublier les
anniversaires. La situation exacerbe les sentiments.
Le
25 mars 1915 :
Cher
père,
A
l’occasion de ton anniversaire je t’envoie mes meilleurs baisers et mes
meilleures amitiés et te souhaite surtout une bonne santé. J’espère que l’année
prochaine l’on pourra le passer tous en famille et ce sera une grande joie pour
moi. En attendant cet heureux jour où nous serons tous réunis reçois la
meilleure pensée de ton fils qui t’aime et pense toujours à toi. J’espère que vous
êtes toujours en bonne santé, tant qu’à moi je vais toujours très bien. A ce
qu’il paraît il doit y avoir un fort détachement pour le 3 avril, l’on
passerait la veillée de Pâques en chemin de fer. Je crois que je vous
renverrais ma couverture car ils ne les remboursent plus, ils en donnent
d’autres plus grandes. Ce n’est pas la peine de leur en faire cadeau. J’ai reçu
les colis ils étaient excellents et je vous en remercie. Bien le bonjour à
toute la famille, Maman, Juliette et Jean. Ton fils qui t’aime, Jules Allard.
Le 18 avril 1915, la compagnie de Jules quitte
enfin la région d’Angers. Mais le périple est bien compliqué pour rejoindre le
front.
Lyon
le 29 avril 1915 :
Chers
parents,
Nous
sommes embarqués à Angers hier à 9 heures ½. Nous sommes arrivés à Lyon. Nous
avons 3 heures d’arrêt. Nous devons arrivés à Grenoble à 9 heures. Bien le
bonjour à tous. Votre fils qui vous aime et pense toujours à vous. Jules Allard .
Port en Bessin le 1 mai 1915 :
Mon
cher Jules,
…J’ai
attendu pour te donner des nouvelles d’Amand. Elles sont toujours les mêmes. Ils
lui ont remis son bras dans l’état primitif, mais la suppuration continue et je
me demande parfois si son 2ème séjour à l’hôpital ne sera pas aussi
long que le premier. Alors tu vois comme c’est agréable si encore il eût pu
penser que le mouvement reviendrait mais l’opération a été inutile je le
prévoyais bien et cela m’a toujours inquiétée. Mais que veux-tu mon cher Jules
on se soumet d’avance à la volonté de Dieu et je te dirai bon courage et bonne
santé. Les parents se joignent à moi pour t’embrasser de tout cœur et t’envoyer
nos plus tendres baisers. Juliette
Allard.
Les régiments mettent beaucoup de temps pour
rejoindre leur destination : les communications, peu nombreuses sont
fortement perturbées par les combats. Jules reçoit la lettre de sa sœur à
Grenoble où il est resté en transit.
Grenoble
le 2 mai 1915 :
Chers
parents,
J’ai
reçu votre lettre ce midi qui m’a fait bien plaisir. Je suis heureux de vous
savoir toujours en bonne santé et j’espère qu’Amand va toujours de mieux en
mieux. Tant qu’à moi je vis toujours bien. Nous devons partir demain midi ou
mardi matin je ne sais pas au juste. Nous sommes très bien habillés, capote
bleu ciel, culotte et veste en velours de même couleur. Bonjour à toute la
famille. Embrasse bien Juliette et Jean ainsi qu’Amand. Je vous envoie mes meilleurs
baisers. Votre fils qui vous aime, Jules
Allard. (Nous devons aller du côté de Craon.)
Jules veut parler de Craonne. Son régiment, un
mois après le départ d’Angers, arrive en Argonne sur la ligne de front.
Argonne le
29 mai 1915 :
Chers
parents
…
ce n’est pas la peine d’envoyer deux colis par semaine, un seul suffit. Quand
on descend au repos on trouve assez bien ce que l’on veut…Votre fils qui vous
aime et pense toujours à vous, Jules
Allard.
Argonne le
27 juin 1915
Chers
parents,
J’ai
reçu le colis que vous m’avez envoyé hier. J’avais encore deux paires de
chaussettes maintenant j’en aurai pour un moment. D’ici quelques jours quand
vous m’en renverrez, vous mettrez un peu de chocolat et du beurre comme
d’habitude. Je croyais avoir une lettre aujourd’hui mais il n’y en a pas. J’en
aurai sûrement une demain en rentrant du travail… En attendant de vos nouvelles
je vous embrasse de tout cœur ainsi que Juliette et le petit Jean. Votre fils
qui vous aime et pense toujours à vous. Jules
Allard.
Et ainsi les cartes continuent avec toujours le
même souci de savoir si tout le monde va bien et les mêmes embrassades à la
fin. Quelques détails à relever :
Argonne
le 1 juillet 1915 :
Chers
parents,
…En
ce moment les Boches envoient quelques marmites sur nos 75[6]qui sont derrière nous dans les bois mais ils ne peuvent pas les trouver.
Argonne
13 juillet 1915 :
Je
vous envoie cette carte où l’on passe chaque fois quand on va au travail. Nous
sommes cantonnés à 100 mètres de cette maison direction de la flèche et entre
la maison et nous c’est le cimetière où sont enterrés tous nos morts. Je n’ai
rien entendu de nouveau au sujet de Lucien…
En
fait, Lucien Delain, appelé à un bel avenir après être sorti premier de L’Ecole
Normale d’instituteurs de Caen, est mort avec toute sa section dans l’explosion
d’une mine près de Péronne. Il avait tout juste 20 ans, comme Jules.
Argonne
le 25 juillet 1915
Mon
cher Amand
Je
profite que nous sommes au repos pour 3 jours pour t’envoyer de mes nouvelles
qui sont toujours très bonnes malgré les attaques qui ont eu lieu ici depuis le
13 où les Boches ont réussi à avancer de 400 mètres sur un front de 1 km. C’est
peu en raison des forces considérables qu’ils avaient contre nous et l’emploi
de leurs gaz asphyxiants. Maintenant c’est un peu plus calme mais qu’est-ce
qu’ils ont balancé comme marmites. Le matin ils nous prenaient au cantonnement
jusqu’aux tranchées et le soir idem et les obus pleuvaient presque toute la
journée. Il est arrivé beaucoup de renforts ici. J’espère que ton bras va se
remettre vite maintenant pour que tu puisses rentrer à la maison et prendre
quelques parties avec notre petit Jean qui est déjà grand. Tant qu’à moi je
vais toujours très bien et ne me fais pas de bile. En attendant le plaisir de
se trouver réunis je te serre affectueusement la main. Ton beau-frère, Jules Allard.
Lundi
26 juillet 1915
…Nous
avons recommencé à faire de nouvelles mines….
Puis les cartes s’espacent. Il n’y en a pas de
Jules, juste quelques-unes de ses camarades qui donnent de leurs
nouvelles :
Carpentras le 15 septembre 1915 :
…. Ma
balle n’est pas encore extraite. J’attends patiemment…Moreau.
Bar le Duc 18 octobre 1915 :
… La
fièvre commence un peu à baisser mais de la force je n’en ai pas beaucoup. On
verra ça d’ici une vingtaine de jours… René Lefranc.
Mont-Dore
19 octobre
… Mes
blessures ne me font pas trop souffrir. Mais tu sais c’est une chance… Georges.
Pendant ces heures sombres dont personne
ne voit la fin, Port et Huppain tentent de trouver le moyen de
secourir les familles. Le 1er août le conseil municipal d’Huppain annule la distribution des prix « en raison des circonstances » et la somme de 35 francs ainsi économisée est allouée aux œuvres de l’Orphelinat des Armées et des Prisonniers de Guerre. La municipalité de Port fait de même et décide que le reste de la somme remise aux Orphelins de Guerre, soit 168 francs, servira à acheter de la laine pour faire des tricots pour les soldats. Ces tricots seront faits par les filles des écoles sous la surveillance de la directrice, Mme Lemoine. A la fin du mois d’août le conseil décide l’achat de 25 exemplaires du livre d’Armand Marie-Cardine, inspecteur primaire honoraire à Lisieux, né à Port et ancien instituteur dans la commune, auteur d’un livre sur les traits d’héroïsme à la guerre en 1914 et 1915. Le même jour, il accepte l’offre d’Eugène Carpentier domicilié à Paris mais possédant une maison sur les quais à Port : il fait don à la commune d’une œuvre de sa composition représentant les morts au champ d’honneur.
secourir les familles. Le 1er août le conseil municipal d’Huppain annule la distribution des prix « en raison des circonstances » et la somme de 35 francs ainsi économisée est allouée aux œuvres de l’Orphelinat des Armées et des Prisonniers de Guerre. La municipalité de Port fait de même et décide que le reste de la somme remise aux Orphelins de Guerre, soit 168 francs, servira à acheter de la laine pour faire des tricots pour les soldats. Ces tricots seront faits par les filles des écoles sous la surveillance de la directrice, Mme Lemoine. A la fin du mois d’août le conseil décide l’achat de 25 exemplaires du livre d’Armand Marie-Cardine, inspecteur primaire honoraire à Lisieux, né à Port et ancien instituteur dans la commune, auteur d’un livre sur les traits d’héroïsme à la guerre en 1914 et 1915. Le même jour, il accepte l’offre d’Eugène Carpentier domicilié à Paris mais possédant une maison sur les quais à Port : il fait don à la commune d’une œuvre de sa composition représentant les morts au champ d’honneur.
La classe 16, quant à elle, a été
appelée pour partir à l’instruction dès le dimanche de Pâques 194-15.
Parmi eux, Maurice Requier dont la carte datée
du 8 novembre nous apprend que le « grand Ferdinand » a eu des
nouvelles de Jules et qu’elles sont bonnes et les cartes continuent.
Versailles le 2O novembre 1915 :
Cher
ami,
…
Je vais mieux. Voilà deux mois que je suis à l’hosto pour des rhumatismes au
cœur. J’espère que tu es toujours en bonne santé, je le désire…. J’ai appris
que tu étais cité à l’ordre du jour et décoré. Je ne peux que te féliciter et
te souhaiter bon courage en attendant que je puisse aller faire connaissance
avec les marmites. Avant ça j’ai un mois de convalescence à passer chez nous et
je verrai tes parents et je leur dirai que j’ai reçu de tes nouvelles. Je te
serre affectueusement la main. Ton ami sincère, Maurice Vallée.
Il faut dire qu’en Août, Jules, sapeur mineur au
4ème génie, avait sauvé, dans des conditions périlleuses, ses
camarades ensevelis dans l’explosion d’une mine et en avait donc été
récompensé.
1916 : Argonne.
La lassitude, la tristesse, la révolte, et la
lassitude encore. Rien de nouveau. Toujours les mêmes bruits de canonnade d’une
tranchée à l’autre. Afin de ne pas démoraliser l’arrière, l’état met en place
la censure à partir du printemps. Il n’est pas question de raconter l’horreur
des tranchées. Il faut que les civils tiennent.
Jules est toujours sapeur dans le secteur 9, en
Argonne.
Passavant en Argonne, vendredi 4 février 1916 :
Chers parents,
Deux
mots pour vous donner de mes nouvelles qui sont toujours bonnes. Nous sommes
partis de Passavant et arrivés au Neufour [7]
d’hier. Et très probablement nous allons reprendre notre ancien secteur. Nous
ne devions pas y revenir mais ? (sic) J’ai reçu la lettre de Juliette
m’apprenant la mort officielle de Maurice (Tourquetil)[8]
c’est bien malheureux et ils n’ont vraiment pas de chance. Je prends part à
leur douleur car c’était un bon camarade que j’estimais. Quand donc finira
cette guerre. Embrassez bien Amand, Juliette et le petit Jean ainsi que papa
Dinand et maman Manda. Bonjour aux amis. Votre fils qui vous aime et vous
embrasse de tout cœur Jules Allard
Il
est deux heures du matin je me suis réveillé et ne pouvant me rendormir je vous
envoie cette carte maintenant. Je vais essayer de roupiller un peu. Meilleurs
baisers.
En fait, ce que ne sait pas le gros des troupes et
donc, Jules, c’est que l’attaque massive est prévue dans le secteur de Verdun
et que l’état-major est en train de positionner les bataillons.
En ce mois de février, Jules est décoré de la
croix de guerre et devient maître ouvrier au 4ème génie. Le mois
suivant, il est promu caporal.
Carte
de Georges Fleury Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand, le 27 mars
1916 :
Mon
cher ami,
J’ai
reçu ta carte qui m’a fait bien plaisir de te savoir en bonne santé ainsi que
les copains. Pour moi je pense que je vais finir la guerre à l’hôpital car…en
passant devant la commission ils n’ont pas voulu que je parte car je n’étais
pas assez guéri. Ils m’ont envoyé à l’Hôtel Dieu et là j’ai attrapé une angine
et des rhumatismes. J’en souffre bien. …..
Les cartes se succèdent sans beaucoup de
nouveautés, tant elles sont censurées, cartes de Robert de Digoin, de René de
Grenoble, de Claude Bernachot de Tournus, de Georges le 26 juin 1916
depuis Grenoble aussi :
Cher
copain,
….en
attendant la décision du conseil de réforme, je fais le cordonnier à la
compagnie. Et toi mon pauvre ami que deviens-tu, le temps doit te sembler bien
long. Je vois que tu es caporal. Je le savais on m’avait même dit que tu
faisais les fonctions de sergent…. Je te serre cordialement la main.
Lundi 11 septembre 1916, lettre du frère de
Célestine, oncle de Jules, Ferdinand Delain :
Mon
vieux Julot,
Je
vois que tu vas monter en grade et j’en suis content…. Nous sommes remontés en
ligne de hier la nuit après 8 jours de repos, je pourrais plutôt te dire de
noce, que veux-tu autant de tiré par ce temps de misère qui espérons le finira
bientôt…. Ton oncle qui t’embrasse bien des fois. Delain.
Le 1er décembre Jules est toujours en bonne santé quand il
écrit à ses parents :
Chers
parents,
Deux
mots pour vous donner de mes nouvelles qui sont toujours excellentes Nous
sommes arrivés à Champlan à 11 kms de Paris pour faire un cours d’instruction
sur de nouvelles torpilles dites d’assaut. C’est très intéressant, nous avons
du beau temps pour faire les expériences ce qui vaut mieux… En attendant de
vous voir, je vous embrasse de tout cœur ainsi qu’Amand, Juliette et Jean.
Votre fils qui vous aime. J. Allard.
Un grand vide s’installe alors dans la
correspondance. Pas de cartes d’amis, pas de cartes aux parents, Jules a été
blessé en mars ou en avril, il n’y a pas de dates précises. On sait simplement
qu’il a été blessé en traversant avec sa section un village violemment
bombardé. Blessé grièvement à la jambe, il est évacué à l’Hôpital auxiliaire St
Stanislas de Nantes où il est amputé de la jambe droite.
1917 : de l’hôpital de Nantes à la Délivrande, près de Caen.
Dimanche
29 avril 1917 :
Chers
parents,
Deux
mots pour vous donner de mes nouvelles qui sont assez bonnes pour la situation,
ça va tout doucement. Ça ne peut aller bien vite non plus enfin il faut prendre
patience. Depuis que ma jambe est coupée je souffre moins qu’avant. Il fait un
temps superbe par ici et vous que devenez-vous ? Juliette est-elle
complétement rétablie ? La petite Aline s’en vient-elle toujours très bien
et mon gros Jean quand il verra son oncle Jules c’est là qu’il va encore en
tuer des sales boches ! Et vous chers parents j’espère que vous êtes
toujours en bonne santé et surtout que papa Jules ne se fasse pas trop de bile
et qu’il ne s’esquinte pas, il peut bien se reposer un peu. Bien le bonjour à
toute la famille. Votre fils qui vous aime. J. Allard.
Le
7 mai 1917 :
Mon
pauvre Julot,
J’ai
eu bien du chagrin en apprenant ton accident mais vois-tu mon vieux vaut mieux
encore cela que la mort. Prends en ton parti tu n’es pas le seul malheureusement.
Pour moi cela va à peu près. Nous sommes arrivés hier du côté d’Epinal, je ne
sais si c’est pour longtemps. Bonjour à Papa Jules et à ta mère s’ils sont
encore avec toi. Ton oncle qui t’embrasse bien des fois et voudrait te revoir
vite. Delain.
Nantes
le 5 juin 1917 :
Ma
chère Juliette,
Je
t’envoie ces quelques mots pout t’annoncer une bonne nouvelle. Je vais aller
conduire Amand à la gare mais pas en béquille. Mme Bruzon ne veut pas mais un
copain vient me conduire avec une petite voiture et nous avons une perm jusqu’à 4 heures ½ alors juge si je suis
content. Ça va toujours de mieux en mieux. Ce matin je me suis levé à 5 heures
¼ car je m’ennuyais dans mon lit et j’ai fait un tour dans le couloir…….
Mais on a beau être soldat en guerre, on n’en
reste pas moins homme. Le manque de femmes se fait cruellement sentir.
Betz,
dans l’Oise le 14 juin 1917 :
Mon
vieux Julot,
…
J’espère que tu pourras bientôt prendre les béquilles et faire comme tant
d’autres, aller à la recherche d’une midinette ! Ton copain, René Lefranc.
Et du même 15 jours plus tard :
… comme consigne je te charge de
consoler les nombreuses petites veuves qui ont besoin de condoléances…
Et le 26 juin 1917, un autre ami, Maurice Vallée,
envoie à Jules une carte présentant une jeune femme très légèrement vêtue, avec la mention :
Je
te souhaite une garde malade comme celle-là!
Cependant les infirmières de l’hôpital ne
devaient être toutes très agréables si on en croit la carte d’A. Michaud :
Mon
cher Allard,
…
Je crois que vous aurez la tranquillité si la vieille Thibaut s’en va, vous ne
la regretterez sûrement pas. Tu me dis que le docteur a parlé de t’envoyer ici,
ce sera peut-être pour la semaine prochaine. (Il s’agit du
centre
de repos de Préfailles au bord de la mer) Ici c’est la bonne vie, le matin bain de mer et l’après-midi bain de soleil…
Il y a du bon vin blanc et en ce moment qu’il fait chaud on va souvent voir le
bistrot…
Mais Jules ne semble pas encore tout à fait
guéri si l’on en croit ce que dit son oncle Ferdinand Delain le 19 juillet
1917 :
…
Louise[9]m’a dit qu’il y avait encore un os à sortir de ta jambe, j’espère que cela
s’effectuera sans trop de mal. Après 31 jours de tranchées, les ¾ de pertes,
nous sommes descendus au Puiseux 4 jours….on en a marre je t’assure. Tu sais
peut-être qu’Adrien se marie après-demain. Quel con, crois-tu qu’il avait bien
le temps. Bonne santé et remets toi vite. Ton oncle qui t’embrasse.
Et le 6 août :
Louise
m’apprend qu’on a été obligé de t’opérer encore une fois. C’est encore des
souffrances pour toi mais j’espère que ma carte te trouvera en meilleur état
c’est assez du scalpel pour toi…. Je suis passé aux muletiers à la Compagnie…
si j’ai la chance d’y rester je serai toujours moins en danger qu’en ligne…Ton
oncle qui t’embrasse bien des fois. Delain., lequel
Ferdinand se réjouit, au mois d’octobre d’être nommé matelot
électricien à Cherbourg, loin des lignes de combat.
Suivent quelques cartes envoyées par les
infirmières, et de nouveau par Henriette. Jules est toujours à l’hôpital dans
la chambre n° 6 :
Le meilleur souvenir de votre
infirmière qui pense bien à vous tous. Mlle
Descure.
Mon brave Allard,
Vous
avez dû me trouver bien longue à répondre à votre aimable carte. Je ne vous
oubliais pas cependant mais tous ces derniers temps j’ai été fort occupée. J’ai
laissé mon service à l’hôpital vous l’avais-je dit. Mes parents me trouvant
fatiguée ont désiré que je cesse…. Mon meilleur souvenir. Marie Pierre.
Votre
jambe est-elle enfin guérie cher Allard ? Votre plaie est-elle
refermée ? Cette chaleur ne vous fatigue-t-elle pas ?... (Signature
illisible)
Bonnes
amitiés. Bons baisers. Ton amie, Henriette.
Enfin début octobre, Jules peut aller en
permission voir ses parents pour quelques jours. Il est de retour à l’hôpital
de Nantes le 9 octobre 1917.
Les lettres qu’il reçoit ensuite de sa mère,
Célestine et de sa sœur, Juliette, sont une source inépuisable pour mieux
connaître la vie à Port, il y a un siècle.
Port en Bessin le 11 octobre 1917.
Mon
Cher Jules
C’est
avec plaisir que nous avons reçu ta carte nous annonçant ton arrivée en bonne
santé (à Nantes). Ton père demandait déjà ce matin si l’on allait avoir quelque
chose il se demande déjà si demain il aura une autre lettre pour savoir si les
dames t’ont dit quelque chose. Enfin il ne faut pas lui en vouloir : c’est
un malheureux caractère qui s’en fait tout le temps. Quand il n’a rien pour
s’en faire, il en cherche pour achever Juliette… enfin aujourd’hui il est moins
terrible parce que je suis allée voir le père Abel et il lui a promis de venir
lundi, il sera bien content et moi aussi car avec autant d’ouvrage ce n’est pas
gai d’être aussi peu d’ouvriers. Son œil lui fait bien mal je crois bien que
c’est la fatigue. Enfin mon cher Jules nous sommes tous bien content que tu
aies fait un bon voyage. Nous espérons que ma lettre de trouvera de mieux en
mieux et que le mauvais temps va être passé. Aujourd’hui il a fait une belle
journée il vente de vent d’amont savoir si ce temps-là va durer longtemps Ils
ont commencé à boucher le pont avant que de démolir de l’autre côté. Liline a
profité pour se promener aujourd’hui nous sommes allés au clos pour cueillir
les pommes sures pour en cuire quelques-unes. Juliette vient de la coucher mais
je crois que le somme de cet après-midi ne va pas durer longtemps car elle rouspète
déjà. Le bon Jean est parti au charbon avec Mr Delain car il est toujours en
route. Il n’y a pas d’école aujourd’hui jeudi alors il en profite. Si vous avez
le même temps que nous alors vous avez une petite promenade aujourd’hui. Enfin
mon cher Jules je te quitte, ton père, ta sœur, ton beau-frère, ton Jeannot, ta
Liline tous se joignent à moi pour t’envoyer nos bonnes amitiés et nos plus
tendres baisers. Ta mère qui t’aime et ne cesse de penser à toi et t’embrasse
de tout cœur. Célestine Allard.
Port en Bessin 12 octobre 1917
Mon
cher Jules,
Nous
avons reçu ce midi avec un grand plaisir ta lettre du 10 et nous sommes heureux
d’apprendre que tu as fait un bon voyage, mais je constate que tu n’as pas eu
très beau temps enfin du moment où tu es arrivé à bon port c’est l’essentiel.
Je vois aussi que comme tu l’avais prévu tu es installé à la salle 1, et
j’espère que tu y seras aussi bien ; Par ici il fait un temps affreux, de
la pluie à verse depuis hier soir et figure toi que maman a passé papa à la
semaine avec raison ( ?) car il est sous la pluie depuis ce matin pour
faire un pic à un campais[10]
pour lequel il ne travaille pas, parce que Douard[11]
n’était pas là. Crois-tu qu’il en a des idées pendant que l’autre se pavane à
la chasse s’esquinter pour lui maintenir son travail, c’est vraiment trop
fort ; et comme s’il n’avait pas assez d’ouvrage à faire que le sien et
dire que vraiment il ne changera pas avec un œil déjà malade faudrait-il
longtemps. Il devait voir le docteur aujourd’hui mais ce matin il a trouvé que
cela faisait un peu mieux et n’a pas voulu y aller ; vraiment ce n’est
guère un temps pour travailler, hier ils avaient commencé à poser le pont mais
le temps n’est pas pour ces sortes de travaux. Amand t’avait peut-être raconté
que Bouset avait posé des conditions aux Villey pour leur bateau et qu’il
voulait une réponse nette pour samedi : ce midi elle a fait monter Amand
et cette fois elle s’accorde à 32 000, tu vois comme ils sont conciliants
en affaire. Par ici rien de neuf toujours la vie calme du pays, en ce moment
Jean et Aline s’amusent mais Jean n’a pas beaucoup de patience lorsque sa sœur
est assise et les affaires ne vont pas
toujours très bien. Mes parents et Amand se joignent à moi pour t’embrasser de
tout cœur et t’envoyer nos plus tendres baisers. Jean et Aline t’envoient de
gros baisers et les amis te souhaitent le bonjour et moi mon cher Jules je te
quitte en t’embrassant de tout mon cœur et bien fort. Ta sœur qui t’aime et ne
cesse de penser à toi. Juliette Durand.
Juliette. |
Port en Bessin le 13 octobre 1917
Mon
cher Jules,
Nous
n’avons pas reçu de lettre aujourd’hui mais néanmoins j’espère que tu es
toujours en bonne santé et que la plaie se cicatrise de mieux en mieux.
Heureusement que ce n’est pas la lettre d’hier qui avait du retard car sans
cela papa Jules aurait sans doute trouvé que le voyage t’avait fatigué mais
nous en aurons sans doute deux demain…. Si vous avez le même temps que nous,
vous l’avez bien mauvais car hier et aujourd’hui la pluie n’a pas cessé de
tomber… Ton Jeannot est parti à l’école tout joyeux en pensant que l’on donne
les croix cet après-midi c’est un bon écolier car il demande toujours à partir
à l’école. Mlle Poliot me disait hier qu’il était très obéissant que
certainement il n’était pas toujours tranquille mais qu’elle n’avait qu’à lui
faire de gros yeux et qu’il obéissait bien. Il ferait bien d’en faire autant
chez nous enfin cela viendra avec le temps. La Liline est de mauvaise humeur de
ce temps-là elle voudrait bien se promener et ce n’est pas bien facile car le
temps est trop mauvais… La famille et les amis….. Ta mère qui t’embrasse de
tout cœur. Célestine Allard.
Port en Bessin le 16 octobre 1917
Mon
cher Jules,
Nous
avons reçu ce midi avec un grand plaisir ta lettre du 14 et nous sommes heureux
de voir que tu vas toujours très bien et j’espère que cela va continuer et que
bientôt tu seras sur le départ. Pour la jambe maman a oublié de t’en parler
hier mais elle voulait te dire que si la maison Clark te paraissait meilleure
il ne fallait pas regarder à 100 francs, du reste tu jugeras toi-même et tu
feras à ton goût. Papa arrive en ce moment et il nous dit que ma tante Marie[12]
vient de recevoir une lettre de Lisons lui apprenant qu’Aimé[13]
est blessé à la cuisse et au bras sans autre détail, car ce n’est pas lui qui a
écrit c’est un camarade. Il est blessé depuis le 4 et n’a encore donné aucune
nouvelle lui-même. Papa et ma tante supposent que cela ne va pas mais je disais
que si la lettre avait renfermé autre chose Albert qui est en permission serait
venu le dire à ma tante Marie. Enfin c’est toujours de l’inquiétude en
attendant, et sitôt que nous aurons des nouvelles nous te tiendrons au
courant ; mais lui qui n’était déjà guère solide, enfin la maudite guerre
quand sera-t-elle terminée ?... Ici nous allons tous bien mais avec un
temps pas trop agréable car il tombe de l’eau depuis ce matin. Il est venu une
petite éclaircie ce midi mais cela n’a pas duré longtemps. Jean est toujours
heureux d’aller à l’école et en bon écolier il reste même à l’étude. Aline elle
vient toujours très bien et elle appelle papa à tout instant, elle le répète à
tout moment voulant elle aussi devenir bavarde ; ah ! La petite
coquine, elle sait nous faire passer le temps. Mes parents et Amand se joignent
à moi et t’envoient nos plus tendres baisers, Jean et Aline t’envoient de gros
baisers, la famille et les amis te souhaitent le bonjour et moi, mon cher
Jules, je te quitte en t’embrassant de tout mon cœur et bien fort. Ta sœur qui
t’aime et ne cesse de penser à toi. Juliette
Durand.
Port en Bessin le 19 octobre 1917
Mon
cher Jules,
C’est
avec un grand plaisir que nous avons reçu ta lettre du 17 qui nous apporte de
bonnes nouvelles car ton père est bien content bien qu’il soit bien maussade de
ce temps-là car ici nous avons de l’eau tous les jours et puis l’inquiétude de
ce pauvre Aimé qui n’a pas encore donné de ses nouvelles depuis le 5 si
vraiment il est encore en vie il doit
être bien mal. Enfin il faut attendre et espérer. J’espère que ma lettre te
trouvera toujours de mieux en mieux au sujet de ta jambe. Comme tu nous le dit
tout ira pour le mieux une fois ton pilon, ils te réformeraient et te
verseraient une somme alors tu serais quitte plus vite comme cela et ensuite tu
verrais celle qui te plairait. Madame Robineau à qui Juliette a envoyé une de
tes photos a écrit ce matin. Cela lui a fait bien plaisir et elle nous disait
que si tu allais à Paris de lui faire bonjour. Mais tu n’iras peut-être pas à
Paris…. Je ne sais si Juliette t’a dit que Grosse tête a laissé le Vautier, il
est en train d’armer le Phebert [14]
tant cela fait du changement et aurait voulu la Germaine. Le sursis de Casimir
est arrivé pour jusqu’au 20 mars enfin ce sera tout l’hiver de passé et cela
avec le père Abel, il faut espérer qu’ils en viendront à bout. …ta mère qui
t’aime et ne cesse de penser à toi et t’embrasse de tout cœur. C. Allard
Port en Bessin le 20 octobre 1917
Mon
cher Jules,
…Comme
nouvelles au pays, il s’en déniche cette semaine. Voilà les filles de Port qui se
placent ; d’abord ton copain Jules Langlois est avant son départ fiancé à
Marguerite Gibert ; Madeleine Tourquetil est fiancée au cuisinier de
l’aviation[15]
et Antoinette Cavey à un jeune homme du Railleur c’est un Barfleurais. Il n’y a
vraiment que nos voisines qui ne profitent pas de l’embusquage. Mes parents se
joignent à moi… Jean et Liline… les amis….Juliette
Durand.
Port en Bessin le 29 octobre 1917
Mon
cher Jules,
Le
courrier nous joue des tours car nous n’avons pas encore reçu de lettres
aujourd’hui mains néanmoins nous espérons que tu es toujours en bonne santé et
que comme il était convenu tu es parti aujourd’hui pour le centre de réforme.
Je récris en même temps à M. le Baron[16]
pour le remercier. L’on est toujours sans nouvelles de ce pauvre Aimé. Quoi penser ?
Son père en est tout changé. Aimé que j’ai bercé jusqu’à 3 ans et que voilà 8
ans on a arraché à la mort pendant 9 mois et voir peut-être cette terrible
chose car vraiment chez nous nous n’osons plus espérer. Combien sommes-nous
heureux mon cher Jules que le bon Dieu t’ait conservé à nous et que de joie
nous aurons dans notre maison qui n’eut jamais existé sans toi. Ce pauvre enfant
il nous écrivait voilà un mois si je pouvais être comme Jules combien je serais
heureux d’être tiré. Le bon Dieu nous fera-t-il encore cette grâce ? Il
faut encore attendre pour savoir le sort qui lui a été réservé. Jeannot est à
l’école et en bon écolier il va toujours à l’étude et ne demande jamais qu’à partir
pour être le premier. Il devient plus raisonnable. Liline aime toujours la
promenade mais le temps se rafraichit aujourd’hui il ne fait pas beau ce matin,
de l’eau et cet après-midi un ris de vent de nord-ouest et les bateaux sont
rentrés au bassin et Liline s’est promené quand même car elle n’a pas grand
sommeil. Le pont va être fini de boucher tout à fait aujourd’hui, s’il pouvait
faire beau pour le calfat enfin il faut espérer. Je te quitte mon cher
Jules…..de tout cœur. Célestine Allard.
Port en Bessin le 30 octobre 1917
Mon
cher Jules,
…..Figure
toi qu’hier soir avant souper nous étions à la maison, un atelier d’étoupe.
Papa, maman, Amand tout le monde au travail et Jean qui aurait bien tiré dessus
comme tu le penses. Il parait que tous les jours nous aurons du travail,
vivement ton retour pour que tu nous aide à l’atelier du soir. De ce pauvre
Aimé toujours rien du tout pour moi c’est inquiétant et je crains bien que le
malheur soit irréparable car cela va faire 1 mois. C’est vraiment bien
malheureux et quand donc verrons-nous la fin de cette horrible guerre qui fait
tant de victimes. Ici nous allons tous bien et Jean va toujours à l’école
heureux d’emporter la collation car c’est bien le plus joli ; Notre Aline,
elle, est toujours bien sage y compris qu’on s’occupe d’elle mais elle en dit
des papa et sa maman c’est pour quand elle pleure, mais elle fait des parties
avec papa Jules qui se laisserait grimer ou arracher les cheveux pour lui faire
plaisir. Tu vois toujours le même pour les enfants. Mes parents, Amand se
joignent à moi…Ta sœur qui t’aime et ne cesse de penser à toi. Juliette Allard.
Célestine, Liline et Jean. |
La Délivrande le 10 novembre 1917
Chers
parents,
…
pour moi ça va très bien mais nous avons un sale temps de l’eau tous les jours.
Hier soir nous sommes allés au cinéma qui a lieu tous les vendredis, c’est épatant.
Aujourd’hui massage et boulot. J’ai trouvé le copain de Dieppe qui était à
Nantes, il rentrait de permission. Dès que j’aurai mon pilon j’en demanderai
une car ils ne donnent pas de convalo. Vivement. Ferdinand est-il parti
à ? Je suis capable de ne pas le voir avant. Je vous quitte en vous
embrassant de tout cœur….. toujours à vous.
Jules Allard.
Quelques jours plus tard, Jules peut venir en
permission mais son genou pose toujours problème.
Caen
le 5 décembre 1917
Chers parents,
…
Je suis venu à Caen pour passer à la radio Je repars ce soir. Le docteur veut
avoir des photos vu que le genou est toujours pareil Autrement tout va bien…. Jules Allard.
Suit une carte de novembre 1917, à retenir, car
elle est de Maurice Requier, qui va trouver la mort au front quelques mois plus
tard, tué dans une explosion de mines dans le bois du Trochet à Trassy en
Champagne.
Le
10 décembre 1917
Mon
vieux Jules,
…
Pour le moment nous sommes toujours à la même place… Vivement 4 mois qu’on
aille faire un billard. Je te quitte en te serrant la main cordialement. Ton
copain. Maurice Requier.
La correspondance ensuite se fait rare, pas
seulement au fond de la boîte de Jules mais d’une manière générale. La
lassitude et la censure ont raison de l’écriture. Les dernières cartes sentent
bon la fin des douleurs et des deuils.
Lorraine le
22 novembre 1918
Mon
cher Jules,
…
Nous voici depuis le 17 dans Metz reconquise étant les premières troupes
françaises entrées dans cette ville nous y avons eu un accueil admirable.
Fallait ça. Il y a bien longtemps que nous n’avions pas été à pareille fête. La
signature de l’armistice surtout et notre entrée ici furent deux beaux jours
pour nous. Maintenant vivement la Classe. Avec de la patience elle viendra
également…. Reçois mon cher Jules ma plus franche poignée de main. Maurier.
Enfin la dernière carte depuis Eupen en Belgique
qui en dit long sur les sentiments des vainqueurs :
Mon
vieux Julot,
Depuis
hier nous jouissons de la gueule des Fritz ! Ils sont plats et minces
comme des galettes. Ils filochent comme des zèbres et nous laissent le
trottoir. Ils sont polis plus que de raison et je crois qu’il faudra encore
leur flanquer une bonne volée pour leur donner le sens de la dignité !
Ah ! Les chameaux ! Bons baisers à tous. Signature illisible.
2014, Port en Bessin.
Toutes les cartes, toutes les lettres, je les ai
remises dans la boîte. Aux signatures j’ai associé les visages découverts dans
les archives de photos. Aux adresses indiquées dans la correspondance j’ai
associé les maisons qui existent encore aujourd’hui. Je n’ai pas plongé dans un
monde inconnu. Au contraire j’ai reconnu à travers ces deux Jules, le père et
le fils, certains traits de caractère de ces hommes qui me sont si proches et
qui sont leurs descendants, Jean-Jacques, Sébastien et Benoist, sans oublier
André qui avait aussi une forte ressemblance physique avec son grand-père Jules
Pierre, mari de Célestine.
Je n’ai pas remis la boîte dans la cabane. Je la
laisse dans la maison, bien rangée avec les autres archives. Quand l’encre aura
passé, quand le crayon se sera effacé, il restera cette transcription pour ne
pas oublier comment de jeunes hommes ont sacrifié leurs 20 ans pour leur pays.
Si j’ai dit regretter de n’avoir pas connu Jules
et sa famille, j’ai un regret plus fort encore : celui des mots tendres
qu’on ne sait plus s’écrire, tout simplement.
Port
en Bessin, août 2014.
Any
Allard.
[1] Je comprendrai vite qu’il y a deux Jules
Allard, le père, Jules Pierre, et le fils, dit Julot.
[2] . Caserne
de Cherbourg.
[3] Ceux
qui sont nés en 1895.
[4] Dès 1914, Amand a été blessé au bras par
une balle allemande en posant des fils de fer barbelés pour défendre les
tranchées, dans la région d’Arras.
[5] Ferdinand Delain et Amanda Colleville sont
les parents de Célestine et de Ferdinand et donc les grands-parents maternels
de Julot.
[6] Il
s’agit de canons de 75.
[7] Village en limite de la forêt d’Argonne, à
24 kms de Verdun.
[8]
Maurice Tourquetil est mort à l’automne 1915.
[9] Il
s’agit de la femme de Ferdinand, Louise Cavey.
[10] Le pic soutient la grande voile en haut, la
bôme en bas. Les Campais sont les surnoms donnés par les Portais aux marins de
Grandcamp.
[11] Il s’agit d’Alexandre Douard, le patron de
l’entreprise de construction navale.
[12] Marie Allard, sœur de Jules et tante de
Julot et Juliette qui seront ses héritiers car elle meurt sans descendance. La
maison rue de Bayeux lui appartenait.
[13] Il s’agit d’Aimé Blaie tué lors des combats
sous Verdun en 1916.
[14] Noms de barques ou de chalutiers.
[15] Une base d’hydravions a été installée place
Gaudin au début de l’été pour faire la chasse aux sous-marins allemands.
[16] Le Baron Gérard, député et bienfaiteur de
Port.
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