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dimanche 9 février 2014

Port en Bessin : Histoire du port, article 3, paru dans "le Pilote" de Port en Bessin, 2014


Nous avons vu dans nos précédents articles comment, après l’ensablement du port des évêques, l’avant-port avait été conçu et réalisé. Il est temps, pour terminer cette Histoire, de s’intéresser au creusement des deux bassins.
Le premier bassin : 1866-1880 :

Bayeux avait raison en 1845 de refuser de payer pour le projet de Bouniceau : le port construit n’est pas satisfaisant. Trop exposé aux vents du large il n’offre ni un refuge sûr aux navires, ni une protection efficace du rivage contre les tempêtes. Et les installations ont coûté 2 millions et demi de francs.
Le 14 mai 1866 le conseil municipal affirme que le port est une source d’avarie pour les bateaux de pêche et que les capitaines de navires refusent d’y venir l’hiver et par gros temps. Il réclame donc un port intérieur d’échouage comme l’avait fait construire l’évêque de Bayeux au XVème siècle. Les pêcheurs s’engagent même à offrir 20 000 francs en effectuant une retenue sur la vente du poisson.
L’Etat, peu enclin à de nouvelles dépenses, charge cependant une commission d’étudier les moyens d’améliorer le port. Il faut attendre 10 ans pour que le ministre des Travaux Publics adopte, le 17 mars 1876, le projet d’un bassin intérieur d’échouage.
Suivant les plans, une passe de 75 mètres de long relie l’avant-port à un bassin de 150 mètres de long sur 50 de large dont l’extrémité sud est formée par le vieux pont des évêques. Ce premier bassin s’arrête à la hauteur de la rue de Bayeux.

 
       Eugène Marion Port-en-Bessin la passe.
 
En 1880, le creusement de la passe et du bassin est terminé. Le pont tournant est mis en place en juillet.
 

Même si la houle se fait encore sentir dans le bassin, la sécurité y est satisfaisante. Mais les ingénieurs ont vu trop petit ! Le port ne peut accueillir la flottille de pêche qui ne cesse de s’accroître et les bateaux de commerce de plus en plus nombreux. Il y a danger comme le prouve la carte postale suivante :

Le second bassin 1882-1886 

La Chambre des Députés classe l’agrandissement du bassin de Port parmi les affaires urgentes et les travaux commencent fin 1882. Il s’agit de construire un second bassin d’échouage de même dimension que le premier avec lequel il communique par un chenal. Au fond du bassin, au sud, il est prévu une cale de radoub associée à une cale pour le lancement des navires et le halage à terre des embarcations

.












C’est l’excavateur qui a servi au creusement du canal de Suez qui est loué 90 francs par jour pour déblayer les terres au rythme de 1 m3 par minute : il officie 5 mois en 1883. Puis il est nécessaire d’employer une drague à vapeur qui travaille en 1885 et 1886 pour atteindre la profondeur voulue.
Beau succès pour ce second bassin ; le nombre des barques se multiplie, la prospérité et la population augmentent. Sur cette lancée, les projets repartent de plus belle : projet grandiose comme celui de Reingard présenté en 1895 au Ministère de la Marine qui prévoit de relier les deux bassins de Port à un autre port à la Goulette de Vary par l’intermédiaire d’un nouveau bassin, cette fois à flot et d’un nouveau chenal ; projet plus réaliste à partir de 1929 de Philippe Oblet alors Président de la Chambre syndicale des Armateurs qui prévoit l’agrandissement du second bassin.

Rivalités d’hommes, rivalités d’intérêts et surtout guerres mondiales sont autant d’obstacles à ces projet 

Aménagements dans l’avant-port  1956-1957 :
Au moment où la France se reconstruit, une étude est menée pour trouver une solution à l’insécurité du premier bassin par mauvais temps. Pour ne pas retomber dans les erreurs passées, il est décidé de faire des essais sur un modèle réduit du port, travail confié au Laboratoire National d’Hydraulique de Chatou.

Le projet retenu comprend un aménagement de l’avant-port par la construction d’une jetée prolongeant l’épi dit de la Poissonnerie et d’une autre, en face, partant du môle de l’est, formant entre elles une passe de 55 mètres.
 
Des jetées sont aussi construites au sud du môle de l’est pour amortir la houle. Les travaux sont efficaces : le premier bassin est beaucoup plus calme à la surprise des pêcheurs qui n’y croyaient pas vraiment. Mais en 1959 la Commission des Pêches maritimes du Calvados conclue à l’impérieuse nécessité d’un troisième bassin permettant d’améliorer les manœuvres des bateaux et la manutention et la vente du poisson. L’année suivante, armateurs et patrons de pêche obtiennent la mise en place d’une porte d’écluse à l’entrée du premier bassin.

L’agrandissement du second bassin :
A la fin des années 60, la CODER (Commission de Développement Economique Régional) de Basse Normandie admet l’urgence de « l’agrandissement des ouvrages portuaires pour l’accueil d’une cinquantaine de bateaux d’un tonnage plus important. »
Les travaux de construction d’un troisième bassin débutent en 1970. C’est encore une fois sans compter sur la force de la nature : les eaux souterraines émanant des Fosses du Soucy coulent sous les terrains à déblayer. Plus l’excavation progresse, plus le chantier est envahi par les eaux. Il est impossible de construire un troisième bassin sans ouvrir largement le second bassin pour continuer les travaux à marée basse. Il n’y aura donc pas de troisième bassin mais un prolongement du second bassin pour former un plan d’eau plus vaste.

Ainsi le port prend sa forme actuelle.
Mais demain ? La pêche, le tourisme : et si l’histoire de Port, du port, était encore à réinventer ?

                                                                                                                                             Any Allard


Sources :
Archives départementales du Calvados :
Carte des villages de Port et de Commes en 1761, dessin lavé de Nicolas Antoine.

 Plan de Port, dessin lavé par Pierre Broquet 1776, AD du Calvados.
«  Mémoires pour servir à l’Histoire de la ville et diocèse de Bayeux » Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Bayeux, 2010.

Base photographique des Archives, base Mérimée.
Le Pilote : articles de Charles Garnier 1910-1911
François Renaud : Charles Mozin, des bateaux et des marins, conférence à Trouville aout 2004
Louis AUBOURG : Notice sur Port en Bessin, Bibliothèque de Lisieux.
Pierre Gouhier : Port en Bessin 1597-1792, cahier des Annales de Normandie, 1962
Philippe Oblet : L’Histoire de Port en Bessin, 1978.

 

                                                                                             

 

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